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RDC : L'Ombre du Secteur Minier Informel sur les Vies des Femmes et des Filles

La République Démocratique du Congo regorge de richesses minières, un secteur informel peu surveillé en est l’épicentre de l’exploitation et des violences, en particulier à l’égard des femmes et des filles. Malgré leur présence massive représentant entre 20 et 50 % de la population sur les sites d’extraction leur contribution reste sous-valorisée, et leurs droits bafoués dans un climat d’insécurité et d’impunité.

Le Poids des Conflits et des Coutumes

Depuis plus de deux décennies, l’Est de la RDC est le théâtre de multiples conflits armés, alimentés par l’exploitation illégale des ressources naturelles comme l’étain, le tungstène, le tantale et l’or. Les violences sexuelles sont devenues une véritable arme de guerre. La situation socio-économique des femmes est déjà précaire, marquée par l’extrême pauvreté, l’analphabétisme et l’absence de politiques publiques efficaces pour leur promotion.

Cependant, les racines de cette vulnérabilité sont plus profondes : elles résident dans des pratiques coutumières et des lois nationales discriminatoires qui maintiennent les femmes dans un état de subordination.

  • Législation Archaique : Malgré la Constitution de 2006 prônant l’égalité des sexes, le Code de la famille de 1987 maintient les femmes mariées dans une situation d’incapacité juridique, les obligeant à obtenir l’autorisation de leur mari pour de nombreux actes juridiques, y compris entreprendre des activités commerciales ou contracter un emploi.
  • Poids des Coutumes : Dans les carrés miniers, les usages et coutumes priment souvent sur les lois nationales. Des pratiques ancestrales, comme le lévirat (obligeant la veuve à épouser le frère du défunt mari) ou des restrictions alimentaires basées sur le genre, perpétuent l’infériorisation de la femme. Pire, l’impunité favorise des abus extrêmes, tels que le droit de cuissage exercé par certains chefs coutumiers.

Les Femmes au Cœur de la Mine, Oubliées par la Loi

A Kamituga (Mwenga) et Misisi (Fizi) dans le Sud-Kivu le rôle essentiel des femmes dans l’exploitation artisanale de l’or. Elles sont les « twangaises » (celles qui broient le minerai manuellement), les « transporteuses », les « laveuses » et même les « bizalu » (récupératrices de déchets de sable pour en extraire l’or). En périphérie, elles sont petites commerçantes, tenancières de restaurants, et parfois contraintes à la prostitution, surnommées les « creuseurs sans bêche ».

Malgré leur labeur, leur autonomisation économique est freinée par de multiples abus :

  • Sous-valorisation Salariale : La main-d’œuvre féminine est systématiquement sous-payée par rapport à celle des hommes pour un travail équivalent.
  • Abus et Escroquerie : Les femmes font face à des fouilles corporelles humiliantes exercées par des hommes pour s’assurer qu’elles ne cachent pas d’or. L’escroquerie est également monnaie courante, les hommes remboursant difficilement ou pas du tout leurs dettes envers les femmes.
  • Silence du Code Minier : Le Code minier de 2002 est totalement muet sur l’implication spécifique des femmes, la protection de leurs droits sur les sites, la question des violences sexuelles, et les sanctions contre leurs auteurs.

Urgence d’une Réforme Inclusivedu Genre

L’absence de structures d’accompagnement pour les victimes de violences sur les sites miniers (pas de police, pas de services d’aide) exacerbe le problème. La majorité des cas de violences sexuelles sont réglés par des arrangements à l’amiable, au détriment total des victimes.

Sur la nécessité d’une réforme de la législation minière en cours en RDC. Cette réforme doit impérativement :

  • Inclure la main-d’œuvre féminine en tenant compte de leurs besoins, intérêts et vulnérabilités spécifiques.
  • Transformer le secteur en un véritable moteur de développement socio-économique durable et libre de violences.
  • Garantir l’égalité des droits entre hommes et femmes, notamment leur droit au consentement libre, informé et préalable au contrôle et à la gestion des ressources.

Lutter contre l’impunité et amender les lois discriminatoires ne sont plus des options, mais des impératifs pour que les femmes cessent de payer le plus lourd tribut des richesses de la RDC.

Par Alain kanyombo

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